Voyager c’est découvrir d’avantage le monde dans lequel on vit. Voyager, c’est aussi apprendre, apprendre des bouts d’histoire auxquels on ne s’était pas intéressé auparavant. Voyager c’est entrevoir le meilleur comme le pire de la nature humaine. Le pire, c’est ce à quoi nous avons été confrontées au Musée du génocide de Tuol Sleng.


L’ancienne prison de Tuol Sleng, baptisée aussi S-21, a été durant le régime Khmer Rouge le centre de détention et de torture le plus secret d’un réseau qui comportait deux cents prisons. Entre 12 000 et 20 000 personnes y ont été torturées par les forces de sécurité de Pol Pot avant d’être exécutées à Choeung Ek, un camp d’extermination.

Je vous donne quelques explications. Encore une fois mon but n’étant pas de vous faire un cours d’histoire.

Les Khmers Rouges enfermaient à S-21 tous ceux supposés être des opposants au régime, et ce pour n’importe quel motif. Les personnes incarcérées étaient aussi bien des jeunes que des personnes âgées. Il y avait des hommes, des femmes, des enfants et même des bébés, parfois des familles entières. Ouvriers, intellectuels, ministres, diplomates cambodgiens, mais aussi des étrangers ont été torturés et exécutés.

Les prisonniers (hommes ou femmes) étaient attachés sur des sommiers en fer et étaient torturés afin qu’ils avouent. La plupart avouaient des fautes qu’ils n’avaient pas commises, par exemple un lien avec la CIA, le KGB, ou encore un quelconque système démocratique, capitaliste, ou impérialiste.

Les détenus étaient enfermés à environ cinquante personnes par salle de détention commune, allongés par terre en alignements serrés, les familles regroupées. Les pieds des détenus étaient attachés à de longues barres de fer.

Après « aveux » couchés sur papier, validés et signés par Kang Kek Ieu, alias « Duch » directeur du S-21, les prisonniers de Tuol Sleng étaient emmenés aux « Killing Fields » de Choeung Ek, où ils étaient exécutés puis enterrés dans des fosses communes. Situé à une quinzaine de kilomètres au sud de Phnom Penh, Choeung Ek est aujourd’hui à la fois un musée et un mémorial. Nous n’avons malheureusement pas eu le temps de le visiter.

Lorsque Phnom Penh fut libéré par l’armée Vietnamienne au début 1979, seuls sept prisonniers étaient en vie. Aujourd’hui, ils ne sont plus que trois vivants, Chum Mey, Bou Meng et Vann Nath.

phnom penh centre torturemusee genocide tuol sleng

Quelques mois seulement après la libération de Phnom Penh, S-21 est devenu le Musée du génocide Khmer. Il regroupe des archives, des tableaux, des photos qui représentent la violence pratiquée sur le peuple Khmer. La visite nous guide à travers les différents bâtiments du centre, les salles de tortures individuelles, de détention communes. On y trouve les sommiers en fer, les instruments de tortures, on y voit les traces de sang. C’est dingue de s’imaginer qu’une telle atrocité ait pu se produire dans les années 70.

khmers rougesphnom penh centre detention

J’ai pris le temps de retranscrire ces 2 témoignages, qui m’ont particulièrement marquée. Je vous invite à les lire.

« La seule personne qui devrait éprouver de la honte dans ce tribunal c’est cet homme-là, Duch. Il y a des moments où j’aurais voulu vous écraser de la même manière que vous en avez écrasé tant d’autres. Il y a des moments où je vous ai imaginé enchaîné, affamé, fouetté, battu sauvagement. J’ai voulu que vous souffriez comme vous avez fait souffrir Kerry et tant d’autres, mais voilà j’essaie de tourner la page et ce procès y contribue. Je vous en remercie. Aujourd’hui dans ce prétoire je vous transmets le poids écrasant de ces émotions, la colère, le chagrin, la douleur. Et je place cette charge émotionnelle sur votre tête car c’est vous qui avez créé ce fardeau que personne ne mérite. Et c’est vous qui devriez le porter, vous seul. À partir de ce jour je ne ressens plus rien envers vous. S’il devait résulter quelque chose de ce procès et de mon témoignage aujourd’hui, au nom de ceux qui me sont chers, j’aimerais que ce soit deux choses, que le monde réalise tout le mal qui peut arriver lorsque les gens ne font rien pour l’empêcher et que le monde décide que ne rien faire n’est pas une option. »

Témoignage de Rob Hamill, frère de Kerry Hamill durant le procès de Duch. Kerry Hamill, néozélandais victime des Khmers rouges, a été arrêté et transféré le 13 août 1978. Il a été torturé, interrogé et tué deux mois après son arrestation. En 2012, Duch a été condamné à la prison à perpétuité pour crime contre l’humanité et violation grave des conventions de Genève.

•••

« Personne ne peut vous aider en dehors de vous-même, chacun doit découvrir sa vérité. Votre vrai nature c’est l’amour, la gentillesse, la compassion. Vous l’avez perdue à cause du monde cruel dans lequel vous vivez. Un enfant qui est né sans haine ni colère, sans cupidité ni rancœur, c’est comme un verre d’eau très pure et limpide, mais à mesure qu’il avance dans la vie, il y a de la haine, il y a de la colère, il y a de l’agressivité autour de lui et c’est comme si petit à petit, on jetait des saletés dans ce verre d’eau et que l’eau devenait de plus en plus trouble. Avec la méditation, c’est comme si vous versiez de l’eau propre dans le verre pour en chasser l’eau souillée. Petit à petit l’eau se purifie et redevient claire et vous comprenez que tout ce qui arrive dans l’existence, ce n’est pas forcément bien, ce n’est pas forcément juste, mais en ressassant votre colère à cause de cette injustice, qui est-ce que vous faites souffrir au bout du compte sinon vous-même ? En pratiquant la méditation, vous allez réveiller en vous-même cette partie de votre être qui sait distinguer le bien du mal et vous n’allez plus vous laisser ronger par le doute et l’insécurité, vous réaliserez que c’est cette vie-là qu’il vous faut mener et non pas une vie de haine, de cupidité et de rage. Ce qui est passé est passé, on ne peut pas le changer mais on peut apprendre à vivre avec, dans le présent, on peut apprendre à vivre dans la lumière. »

Témoignage d’une femme qui a vu son père se faire emmener par les forces de sécurité de Pol Pot. Elle a découvert la méditation et l’a utilisée pour essayer d’accepter le passé. La méditation a changé sa vie.

 

Ça fait réfléchir, non ?


Je vous recommande vivement d’aller visiter le Musée du génocide de Tuol Sleng. Vous découvrirez un bout de l’histoire fascinante du Cambodge. J’ai été beaucoup émue. Les larmes m’ont submergée à la fin de la visite, notamment quand j’ai eu la chance de saluer Bou Meng. Je pense sincèrement qu’aucun visiteur ne peut sortir indemne de cette visite.

INFOS PRATIQUES :
📍 Musée du génocide, Street 113, Phnom Penh, Cambodge
💰 Gratuit pour les Cambodgiens, 3$ pour étrangers, 6$ avec « audio guide » -je vous conseille l’audio guide pour une meilleure compréhension.
🕙 Ouvert tous les jours de 8h à 11h30 et de 14h à 17h30.

 

tuol sleng reglement